Tiré de l’article du 09/02/2017 sur www.france-sire.com
Un cheval passé par les armes n’est pas monnaie courante. Tué pour acte de résistance, c’est ce qui est arrivé à Iris XVI, le cheval du Général Leclerc en juin 1940, qui avec un tel passé héroïque, mériterait assurément un prix à son nom. Par Xavier Bougon.
L’émission de TF1, « Les Douze Coup de Midi » du mercredi 8 février proposait au candidat en lice, une question à propos de l’exécution par les nazis d’un animal en juin 1940. Parmi les trois propositions figurait un cheval de course. Ma curiosité (et celle d’autres, d’ailleurs) ne fit qu’un tour ; c’est ainsi que je découvre l’un des tristes épisodes de la Seconde Guerre mondiale touchant le monde équin.
Ce bel alezan brûlé, Iris XVI, eut un destin à part entière avant même son exécution par l’ennemi nazi. Il avait croisé celui, tout aussi particulier, d’un certain capitaine de Hauteclocque. Tout se passe en 1936, dans les quartiers de cavalerie de l’Ecole Militaire de Saint-Cyr, près de Versailles. Iris XVI est âgé de 5 ans et est déjà un cheval de caractère, fougueux, à la ruade facile.
Il est remarqué par ce jeune officier instructeur de réputation pète-sec qui décide de faire de cet animal un cheval d’armes. Mais à la première sortie à la tête de l’escadron, Iris XVI ne déroge pas à sa réputation et désarçonne l’officier présomptueux. Le tibia en deux morceaux, Philippe Leclerc de Hauteclocque est envoyé à l’hôpital. Le futur chef de la 2e DB en conservera une claudication et une canne légendaire de Koufra à Berchtesgaden.
De sa chute avec Iris XVI, où il se fractura le tibia en deux, le Maréchal Leclerc conserva une démarche clauquedicante et une indispensable canne.
Malgré son accident, Leclerc restera fidèle à son cheval et n’hésitera pas à le monter pour l’exercice. Iris XVI aura aussi quelques succès sur les hippodromes environnants dont celui du 26 mai 1939 à Maisons-Laffitte, avec pour monture l’un des meilleurs gentlemen-riders de l’Ecole, l’officier Jean Fanneau de La Horie.
Un cheval de course tue un soldat nazi
Arrive l’année 1939. Jugé trop précieux ou trop dangereux, le cheval n’est pas mobilisé. Le 10 juin, à la suite d’un bombardement effectué la veille, les chevaux de l’École de Saint -Cyr sont évacués sur Saint-Maixent. Iris XVI est ensuite envoyé en Charente, au dépôt de Saintes. Le 14 juin 1940 débarque une unité de cavalerie allemande. Son commandant connaissait cet Iris XVI qui avait naguère battu son propre cheval sur un hippodrome et voulut le monter. « Allez me le chercher », ordonne-t-il à un vieux palefrenier. Au moment où le soldat allemand désigné franchit la porte de l’écurie, après avoir passé la bride à Iris XVI, l’animal décoche une ruade. L’allemand est tué net, le foie perforé
Riposte de l’officier: « Mettez ce cheval au mur. Amenez douze hommes. Ce cheval sera fusillé. » Ce qui fut fait. Motif : acte de résistance.
L’histoire pourrait s’arrêter là
Le général Leclerc n’apprit que plus tard le destin d’Iris. Clin d’oeil à leur passion commune pour ce cheval, en novembre 1944, le Colonel de La Horie, sous les ordres de Leclerc, trouvait la mort aux portes de Strasbourg, à bord d’une Jeep de la 2e DB, baptisée Iris XVI. Leclerc fut très fier du courage de son cheval préféré. Il conservera toujours au mur de son cabinet de travail, à Mailly, un portrait à l’huile de son cheval préféré. C’est d’ailleurs la seule image du cheval connue, mais que malheureusement Monsieur Google ne connait pas…
Le Colonel de la Horie avait gagné en cross à Maisons-Laffitte avec Iris XVI. Ce fameux cavalier a un grand prix pour gentlemen à son nom à Auteuil.
Le Colonel de La Horie
Alors officier de la 2e DB du Général Leclerc, le colonel Jean Fanneau de la Horie (frère ainé de Guy, nommé chef d’Etat Major du 1e Corps aérien français en avril 1943) fut tué aux portes de Strasbourg en novembre 1944. Issu de la promotion Metz et Strasbourg, comme Philippe de Hauteclocque, il fait ses classes à l’école de cavalerie de Saumur d’où il sort deuxième derrière le futur Leclerc. Après différents postes à l’étranger et outre-mer, il entre à l’École supérieure de Guerre en 1937. A la mobilisation, il est affecté à l’état-major de la 2e Division légère mécanique, puis envoyé en mission en Finlande. Après l’armistice, promu chef d’escadrons, il est envoyé au 2e Régiment de chasseurs d’Afrique puis au 2e Cuirassiers. Après avoir rejoint la 2e DB en formation à Témara (Maroc), il prend la tête d’un sous-groupement blindé et participe activement aux combats d’Écouché, de Longjumeau et d’Antony, puis à Paris à l’hôtel Meurice, où, avec ses hommes, il capture le commandant du Gross Paris, le général von Choltitz. Après la prise de Baccarat, il est envoyé en reconnaissance le 17 novembre à Badonviller qu’il occupe après une belle charge. Il est tué le lendemain. Il est fait Officier de la Légion d’Honneur à titre posthume.